Tribune d’Alice Albright et Stefania Giannini
Il y a vingt-cinq ans, les leaders de 189 pays signaient la Déclaration et lançaient le Programme d’action de Beijing, un programme ambitieux et progressiste visant la pleine participation des femmes de manière égale dans tous les domaines de la vie, que ce soit dans la sphère publique ou privée.
Aujourd’hui, alors que nous célébrons la Journée internationale de la femme, aucun pays n’est en passe d’atteindre l’objectif de développement durable visant l’égalité des sexes d’ici 2030. En dépit des gains durement acquis au cours du dernier quart de siècle, au rythme actuel, il faudra attendre encore 100 ans pour parvenir à la parité entre les sexes. Pour les filles et les femmes d’aujourd’hui cependant, la situation n’a jamais été aussi prometteuse.
Il est évident que des progrès ont été enregistrés, avec notamment les taux de scolarisation des filles qui ont doublé ces 25 dernières années. Au niveau mondial, l’écart entre le nombre de filles et de garçons scolarisés s’est réduit et frise parfois l’égalité réelle. Dans certains contextes, on dénombre même plus de filles que de garçons scolarisés dans certains niveaux d’enseignement. L’UNESCO estime que depuis 2000, le nombre de filles ne bénéficiant d’aucune forme de scolarisation est passé de 205 millions à 129 millions.
Toutefois, 129 millions est un nombre trop élevé de filles qui se voient nier leur droit fondamental à une éducation de qualité et à l’avenir meilleur que cela leur garantit. De plus, les défis liés à l’éducation des filles ne s’estompent pas systématiquement une fois qu’elles vont enfin à l’école. Elles se heurtent en plus à d’autres barrières sociales, économiques et culturelles bien ancrées, qui font en sorte que, dans les pays à faible revenu, 6 filles sur 10 voient leur parcours scolaire se terminer au niveau du primaire, et à peine une sur 10 achève le secondaire. La situation est encore plus préoccupante pour les plus marginalisées telles que les réfugiées, les filles handicapées et les filles issues de familles pauvres et des zones rurales.
Tout aussi préoccupant est le fait que des millions de filles actuellement scolarisées n’acquièrent pas les compétences dont elles ont besoin. Dans certains pays, à peine 2 filles sur 10 peuvent lire et comprendre une histoire simple à l’issue de leurs études dans le primaire. Même lorsqu’elles vont jusqu’à l’enseignement supérieur, elles sont largement sous-représentées dans les filières telles que les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques, des domaines qui pourtant façonnent les économies et les sociétés de demain.
Ce gaspillage de talent et de potentiel est un signal d’alarme pour une approche profondément nouvelle. Le changement ne se produira que lorsque dirigeants et citoyens reconnaîtront et élimineront les éléments qui maintiennent leurs sociétés dans le statu quo.
Les progrès en matière d’éducation sont la preuve que cela est possible. Si les Etats prennent et respectent des engagements concrets, les progrès en matière d’égalité entre les sexes seront accélérés. Aujourd’hui, environ 85% des pays en développement avec lesquels le Partenariat mondial pour l’éducation travaille incluent l’égalité des sexes dans leurs plans d’éducation à long terme. Cela signifie qu’ils font plus pour réduire les barrières communes à l’éducation des filles, notamment en les inscrivant et en les retenant dans les écoles, en veillant à ce qu’elles disposent d’un matériel d’apprentissage de bonne qualité, en réduisant les facteurs de harcèlement sexuel et de violence dans et autour des écoles, en mettant en place des installations appropriées, pouvant faciliter leur hygiène menstruelle, et en renforçant le nombre d’enseignantes susceptibles de motiver les filles et servir de modèles dans les communautés dont elles sont issues.
Ces approches fonctionnent. En Éthiopie par exemple, l’éducation des filles est devenue une priorité nationale ces dernières années : davantage de filles vont à l’école, y restent et améliorent leurs résultats scolaires. L’important écart entre le nombre de filles et de garçons ayant achevé l’école primaire a pratiquement disparu au fil des années. Le Kenya a également beaucoup investi dans des interventions ciblant les filles – dans les régions les plus reculées en particulier – et de ce fait, le taux de scolarisation des filles en première année a augmenté. Les filles sont désormais plus performantes que les garçons dans des disciplines telles que les mathématiques. De même, au Népal, grâce aux efforts du gouvernement, on dénombre aujourd’hui plus de filles que de garçons scolarisés et achevant leurs études.
Le Programme d’action de Beijing a reconnu que l’égalité en matière d’accès à l’éducation est vitale pour que davantage de femmes deviennent des agents de changement. C’est pourquoi nous avons rejoint la campagne « Génération Egalité », afin de maintenir l’éducation au cœur du mouvement et d’accélérer l’action sur la vision exposée il y a 25 ans à Beijing.
Une génération égalitaire est une génération éduquée. Nous devons apporter notre contribution pour garantir à toutes les filles et les femmes à travers le monde de disposer des connaissances et des compétences dont elles ont besoin pour mener le changement et éliminer définitivement les obstacles à l’égalité des sexes dont la société toute entière a besoin.
Alice Albright est la Directrice générale du Partenariat mondial pour l’éducation et, Stefania Giannini est la Sous-Directrice générale pour l’éducation à l’UNESCO.
Source : Partenariat mondial pour l’éducation